…ou comment faire un chrono en Suisse un 28 octobre ?
Il faut revenir aux épisodes précédents.
Un premier, un deuxième puis un troisième marathon accomplis successivement à Paris, la ville lumière. Beaucoup de joies et quelques fatigues, à moins que cela soit le contraire. Avec l’aide du club et notamment de Frédérique, Pierre, Elias, Daniel et bien entendu Roger, le conseiller et l’exemple de tous les moments, je les ai terminés sans gloire mais sans trop de difficulté.
Nos experts et habitués de la course longue m’ayant rappelé à multiples reprises que l’expérience vient en courant j’ai repris une page blanche et mis à plat le dossier. Comme en formule 1 et au Tour de France on change et on recommence avec un nouveau crayon.
J’ai repris la publicité distribuée il y a quelque temps au village départ de l’épreuve de Paris concernant le marathon de Lausanne organisé au bord du lac Léman, dans les doux pays de Vaud.
L’opération réflexion/préparation a alors commencé.
L’objectif était de battre mon ‘record’ (4 h 25) l’hypothèse de travail a été de réaliser 4h 15 voire, si possible, un peu mieux, le faire seul, en autonomie complète -y compris la gestion des ravitaillements et du rythme- sur un terrain nouveau et à l’abri de la chaleur.
Le poids étant un des adversaires du coureur j’ai perdu treize kilogrammes en supprimant le pain et le fromage, ceci facilite l’entraînement et la compétition,
J’ai reçu de Daniel, notre Président, un plan d’entraînement à suivre régulièrement, très régulièrement. Grâce à un système de montre et d’enregistrement des entraînements (installé par Patrick et Bhel) j’ai pu relever mes résultats et les communiquer pour les contrôler.
Grâce à Roger, à nos entrainement du mardi et jeudi à 6 h 30 dans le bois, à des sorties régulières suivant les principes définis j’ai pu profiter de conseils indispensables pour mettre en place mon plan d’entrainement.
Restait la logistique.
Etant en congés en septembre à Evian et grâce à Marie F. j’ai pu repérer à plusieurs reprises le terrain, vallonné, des coteaux du vignoble vaudois. Noter chaque détail de la route, kilomètre par kilomètre me paraissait important afin de répartir l’effort. Après une traversée de la ville il fallait digérer, en effet, une série d’accidents de terrain nous amenant sur le plateau dominant le lac. Retour ensuite de Vevey et même opération avec remontée progressive et, après le 35è kilomètre descente vers Lausanne. Deux derniers kilomètres en tourbillon sur le lac et petit ruban de route de cinq cents mètres -tout à fait plat- devant le Musée Olympique, pour le terme de la course.
Par ailleurs le charmant hôtel ‘A la gare’ près de la station de chemin de fer étant libre j’ai pu visiter l’endroit, très chaud et accueillant, retenir une chambrette à un lit tenu, hasard heureux, par un traileur. Marie F. étant retenue à Aix les Bains par un tournoi important de scrabble duplicate le 28 octobre j’avais décidé en effet de prendre le train pour me déplacer la veille à Genève puis Lausanne et retour le jour de la course.
L’accueil de la magnifique piste du stade d’Evian, dominant les montagnes et le lac étant encourageant j’y ai réalisé plusieurs sorties longues avant de revenir à Nogent un mois avant.
C’est là, imprévu prévu, que la cuisse droite étant un peu sensible j’ai pensé suspendre un peu l’entrainement trois semaines avant mais conseil pris auprès de Daniel et Roger l’essentiel étant fait il ne fallait pas arrêter. J’ai seulement limité à 70 kilomètres par semaine la charge d’entrainement.
Tout s’est bien déroulé c’est-à-dire avec la dose habituelle d’imprévu prévu mais pas tout à fait autant que ce que l’on avait prévu.
Première chose la fraicheur. Je venais à Lausanne courir à la fin octobre, après mon anniversaire, pour être à l’abri de la chaleur. J’ai été exaucé. Arrivé en train à midi le samedi précédant la course, la pluie douce et généreuse de l’automne helvète m’attendait. Pas de souci de ce côté. Bénéficiant grâce à l’hôtel d’un billet gratuit de métro je me suis rendu au village départ où l’excellente organisation me donna tout le nécessaire y compris le précieux dossard. Beaucoup de suisses au départ mais aussi des allemands, italiens, français et canadiens.
Etant seul et sans désir de manger autre chose que des pâtes je me rendis ensuite au bateau amarré sur le quai qui accueillait les centaines de partants pour la partie de pâtes habituelle. Bien qu’avant un rendez-vous avec Magali A. ancienne de l’asphalte demeurant désormais en Savoie je ne la vis hélas pas mais profitais des premiers flocons de neige. Tout allait bien car on annonçait pour le lendemain deux degrés au départ.
Ayant trouvé une petite canadienne de celles qui vivent en Suisse, pour partager mon repas et pratiquer un peu mon anglais je reçus de nombreux conseils de personnes habituées aux courses froides il me restait une incertitude comment m’habiller ? Coup de fil urgent à Roger et Dominique, retenus en Bretagne et bien entendu solution y compris pour mes gants (absents) prendre des chaussettes ! En dehors de cela trois épaisseurs et un petit sac poubelle (couleur bleu de France).
Après une courte nuit et un petit déjeuner pris à 6 heures je reçus un coup de fil fort bien venu de Patrick Monnet auquel se joignait Bhel. Encouragements et chaud au cœur. Pas de souci j’étais bien réveillé et révisait mes temps de passage ayant décidé, suivant le conseil d’Elie de réussir à n’accélérer, si possible, qu’après le 35è kilomètre, là où tout se joue.
Descente au parc de la Place de Milan où le départ était prévu à 10 h 10 (pour ma part quatre minutes après, compte tenu de son sas) où tout était magnifiquement blanc sur blanc. Quelques discussions avec les organisateurs présents qui décidaient de supprimer la course des enfants, par prudence, mais de maintenir le marathon, le demi marathon et le dix kilomètres. En Suisse on n’est pas inquiété par la neige ni le froid mais on est prudent. L’ensemble réunit environ dix mille participants.
Le reste c’est la course donc vous n’apprendrez rien. Vous connaissez cela aussi bien que moi. Quelques détails toutefois, le rassemblement sous les arbres gelés et magnifiques et en ce qui me concerne une heure avant afin d’essayer de me réchauffer (il faisait bien la température prévue) le commentaire du champion de suisse de marathon qui déclarait être content d’être avec nous et surtout de n’être pas sur la ligne de départ.
Une grande émotion au départ. Je suis seul de seul comment cela va t-il se passer ?
j’ ai aux yeux les larmes du bonheur et c’est parti avec l’atmosphère détendue des conducteurs d’allure (‘on va faire de notre mieux pour vous accompagner, on est là pour cela…’) en ‘attrapant au vol’ le drapeau des 4 heures ‘pour voir’. Roger me l’avait conseillé, je suis ses conseils.
Ravitaillement très régulier, tous les trois kilomètres environ en eau uniquement pour ma part, ambiance détendue et calme, mille trois cents partants environ sur le marathon et le plaisir de voir s’égrener tous les petits villages de la côte, de ceux que j’avais revus avant, dix fois dans ma tête.
A mi course en essayant de revoir Magali qui, venant du marathon de Vancouver s’était alignée sur le demi marathon seulement, j’ai abandonné mon peu élégant dessus plastique pour arborer les couleurs d’Asphalte nonante quatre (c’est le nom local de notre club) pour progressivement remonter la côte vers Lausanne.
Ayant trouvé un compagnon suisse pour parler un peu du pays et de ses reliefs celui-ci me confirma bien que les côtes cessaient près de chez lui (à Lausanne) et m’autorisa à le lâcher, malheureusement car il était très agréable de conversation, alors que la route, désormais dégagée mais toujours humide s’ouvrait vers nous.
J’avais réservé pour les deux derniers kilomètres ce qui restait d’entrain et terminait donc devant le magnifique Musée Olympique et l’hôtel Beau Rivage qui mérite bien son nom, dans un temps correct, un peu en dessous de mes prévisions.
Finalement c’était la course parfaite pour moi, pas de chaleur, un parcours magnifique, une organisation très souple, peu de coureurs qui vous encombrent la route, un hôtel accueillant et des camarades qui vous envoient une série de messages électroniques dès le résultat connu (on n’est jamais loin du monde). Bien entendu sans les conseils reçus, le soutien de tous, le plan de travail et un peu d’organisation rien n’aurait été possible.
C’est simple comme un marathon de Noël.