2008 : marathon de Berlin
2011 : 25 km de Berlin
2014 : marathon de Berlin
2017 : il fallait bien que je trouve une course dans la capitale allemande
Au slogan « Why I run Berlin » qui nous accueillait au retrait des dossards, la première réponse pourrait être « pour respecter la fréquence de mes compétitions berlinoises ». Mais c’est surtout pour ce que cette ville représente pour moi. Un amour né un soir de novembre 1989 devant ma télé. Cela fait longtemps que je ne me demande plus où je m’installerais si je devais m’expatrier.
A la recherche d’un plaisir perdu (celui de courir), l’idée de rechausser les runnings sur le Kurfürstendamm ou Unter Den Linden me titillait depuis quelques mois. Pas prêt pour un retour sur marathon cette année, l’option semi me semblait plus raisonnable. Au moment de m’engager j’espérais avoir retrouvé quelques sensations positives d’ici l’échéance. Malheureusement malgré un sursaut à Charenton j’ai plutôt glissé sur une pente négative au fil des semaines. C’est donc sans illusion de performance sportive que je partais pour ma chère capitale allemande. A défaut de plaisir sportif je savais que j’y trouverais d’autres satisfactions.
En ce dimanche matin la météo hésite entre nuages et éclaircies. Une légère fraîcheur est de retour alors que les deux jours précédents laissaient craindre une certaine chaleur (24° le vendredi et 22 le samedi). Conditions idéales pour courir. Le départ du semi est installé sur la gigantesque Karl Marx Allee. Alors qu’elle portait le nom de Stalline Allee cette avenue faisait la fierté du régime Est Allemand qui l’avait érigée en rivale du Kurfüstendamm, les Champs Elysées Berlinois. L’attentat du marché de Noël en décembre dernier a renforcé les mesures de sécurité. La zone de départ est un vaste parcage duquel une fois entré on ne peut plus ressortir qu’au moment du départ. L’échauffement est quasiment impossible faute de place mais l’organisation est parfaite. Pas d’attente par exemple aux toilettes installées en nombre impressionnant.
15 mn avant le départ chacun va se placer dans son sas. La tour de la télévision, autre symbole de la RDA, domine le peloton. Le départ se fait uniquement sur la demi-largeur de l’avenue. L’autre moitié est déjà réservée pour l’arrivée. Même musique que sur le marathon au moment du décompte final pour se mettre dans l’ambiance. Ce n’est pas le seul point commun. Le parcours reprend certains passages de la distance reine.
Coup de pistolet ça joue des épaules pour essayer de trouver sa place dans le peloton. Mes sensations dès les premiers hectomètres m’inquiètent : jambes lourdes, fatigue générale et même essoufflement alors que je ne suis pas parti rapidement. Je mets ça sur le compte d’un échauffement insuffisant sans vraiment y croire. Peu après le départ le cortège quitte la Karl Marx Allee pour contourner Alexander Platz et se diriger vers l’île aux musées. Coup d’œil sur la cathédrale au passage. J’essaie de profiter du parcours et des monuments, même si je ne les découvre pas, histoire de détourner ma pensée et de focaliser mon attention sur autre chose que mes sensations. En entrant sur Unter Den Linden s’offre à nous une perspective qui s’étend sur presque 5 km : Unter Den Linden, Porte de Brandebourg, Strasse des 17 Juni, Siegessäule. Un des Asphaltiens pourra à juste titre rétorquer : « Nico veut nous faire croire que sa vue perce à 5 km alors qu’il est incapable de me voir quand il passe à un mètre de moi » (il se reconnaîtra J). Difficile en plus de profiter de la perspective gâchée par les travaux du métro.
On est au 2e km et ça prend des airs de galère. Je me sens vidé, sans force. C’est certain ce n’est plus un problème d’échauffement. Je m’accroche pour rester avec mes compagnons de route. Au 3e km le parcours nous offre le privilège de traverser la porte de Brandebourg. Même si ça n’a pas la même saveur que sur le marathon, où elle annonce l’arrivée, cela reste un des moments forts du parcours. En 2011 j’avais regretté l’absence d’ambiance à cet endroit sur les 25 km. Je craignais que situé aussi tôt dans la course il en soit de même sur le semi-marathon. Au contraire les spectateurs sont en nombre.
Derrière la porte de Brandebourg se tenait l’ancienne frontière Est-Ouest dont l’emplacement reste marqué au sol par une double rangée de pavés. Le Mur à peine franchi, je me prends le mur. J’éprouve le besoin de marcher 15 secondes avant de repartir. Je suis perdu, désorienté par ses sensations inconnues jusqu’alors. La strasse des 17 Juni nous offre la traversée du Tiergarten. Passage devant le mémorial soviétique érigé paradoxalement dans l’ex Berlin Ouest et qui marque l’arrivée du marathon. Parti pour une galère je refuse pourtant d’abandonner, pas ici. Siegessäule, colonne de la victoire, se dresse devant nous. Avant même de l’atteindre je marche à nouveau 15 secondes. Ma victoire à moi aujourd’hui sera de rallier l’arrivée. Mais je me demande si je vais en être capable. Je n’arrive pas à courir plus de 7 ou 8 mn en continu même en cassant l’allure. Dès lors je vais marcher tous les kilomètres ou presque. La traversée du Tiergarten me semble interminable d’autant qu’il y a la seconde partie au-delà de Siegessäule.
Au 7e km on prend la direction du quartier de Charlottenburg avec le château en point de mire à 2 km. Un calvaire tellement j’ai l’impression qu’il ne se rapproche pas. Que c’est dur moralement ces longues lignes droites quand on est scotché à la chaussée. Mais bon ce passage permet de s’éloigner du parcours du marathon. Devant l’entrée du château je manque de trébucher en raison d’une foulée un peu trop rasante et de mes semelles de plomb. On redescend ensuite en direction du Kurfüstendamm. L’entrée sur les Champs Elysées berlinois se fait au 11e km. On a à peine passé la mi-course. C’est là qu’une douleur allant des lombaires au bas de la cuisse se réveille. Un truc que je traîne depuis mon dernier marathon il y a 3 ans… à Berlin (http://www.asphalte94route.com/article-ich-bin-ein-berliner-124704752.html). Il ne manquait plus que ça. Pourtant ça me laissait tranquille depuis plusieurs semaines. Je cherche du regard le clocher éventré de l’église du souvenir, symbole des bombardements alliés de 1945. Histoire de me raccrocher à quelque chose. Je ne compte plus le nombre de fois où je me suis déjà arrêté et ai marché. Je ne regarde plus le chrono depuis longtemps.
Au 15e km le parcours nous offre une parenthèse verte avec un passage le long du Landwehr Kanal. Parenthèse de courte durée car on approche déjà (ou enfin c’est selon) de la Postdammer Platz, ancien no man’s land du temps de la séparation de la ville. C’est devenu un quartier ultra moderne, clairement pas mon préféré. On est au 17e km. Il en reste 4 comme sur marathon au même point. Passage ensuite par Check Point Charlie. Je parviens à courir sans marcher entre le 18e et le 20e km : exploit ! Retour ensuite vers Alexander Platz. Ça sent enfin l’arrivée. Je suis incapable d’emboiter le pas de ceux qui accélèrent. Je n’ai pas d’autre objectif que de rallier l’arrivée.
Au final 1h33 d’une promenade touristique à défaut d’autre chose. N’importe où ailleurs je pense que j’aurais bâché. J’ai eu la chance de ne jamais connaître le mur sur marathon. J’imagine que ça doit ressembler à ça mais en un peu plus tardif. On pourrait penser que c’était un jour sans ou que c’est la malédiction berlinoise après des épreuves en 2011 et 2014 gâchées par des problèmes physiques. Mais ça serait se mentir. J’espère pouvoir envisager Berlin 2020 plus sereinement.
On a rarement le plaisir de vivre quelque chose d’aussi palpitant et intéressant que ce compte rendu.
La course est un mystère et le plaisir est un secret. Tu nous a fait vivre les deux. Amitiés. Christian
Tu as quand meme fait une belle performance nico, pas aussi bien que tu l’aurais voulu, mais le principal c’est d’avoir été au bout de la ligne d’arrivée. Bravo.
Merci pour ce bel article palpitant et enrichissant que tu nous partages. Bises.