La course
Parcours des crêtes – 57.7 km 3900m D+
Distance: 57.7 km
D+ : 3900 D-: 4600m
Départ: Collet d’Allevard Arrivée: Aiguebelle Val d’Arc
https://www.lechappeebelledonne.com
Temps à l’arrivée: 18:05:55 (moi) / 17h05:55 (ma soeur)
L’objectif
Accompagner ma sœur pour son premier ultra! Pas très en forme pour le trail cette année, avec pas de vacances à la montagne prévu, c’est l’objectif le plus raisonnable que je pouvais avoir!
En terme de temps, elle estimait plus que visait entre 16 et 18 heures. Objectif atteint pour elle en 17h05:55 (elle est partie une heure après moi!)
L’inscription
Comme tout ultra, l’histoire commence bien avant le départ fin aout, 8 mois avant pour être exact.
En Janvier, les inscriptions s’ouvrent. Il y a deux ans, j’avais tenté l’intégrale. Il y a quatre ans, j’avais aussi tenté l’intégrale. Pour ne pas perdre le rythme, il fallait que je m’inscrive!
Par contre, j’avais envie de finir cette année, une fois n’est pas coutume. C’est donc naturellement que je me décidais sur un des petits parcours de 57 ou 85km.
Et là l’idée de génie: et si je proposais à ma sœur de faire le support en route pour son premier ultra? Ca ne ferait que doubler la distance qu’elle a déjà réalisé. Banco! On s’inscrit tous les deux sur le 57!
Le confinement et la reprise
Le 16 Mars je fais un 50km d’entrainement avec Laurent. Et puis… plus rien.
La course s’arrête. Les parcs fermés, la Marne juste un peu trop loin. L’attente…
Heureusement, ma sœur a un nombre impressionnant de petites côtes autour de chez elle! Ca lui aura permis de bien se maintenir.
Le déconfinement n’a pas marqué la reprise en masse des compétitions, comme on le sait. La reprise n’en est que plus difficile. Le cœur s’emballe, les jambes sont lourdes, le bidou aussi. Je fais mes gammes, j’attends que ça revienne.
En même temps, on ne sait pas si la course aura lieu. Mais le 22 juin, une bonne nouvelle tombe: la course nous signifie qu’ils ont décidés de continuer les préparatifs! C’est pas encore confirmé, mais ça sent bon.
Coincidence? Juillet arrive et la condition recommence à pointer le bout de son nez. Du coup, j’en fais trop. Surentrainé, je dois m’arrêter une semaine. Bien m’en a pris, fin Juillet je fais quelques belles sorties.
Le 8 aout, la course nous annonce avoir l’accord des préfets!
Re – conincidence? Mon rythme cardiaque finit de baisser à des niveaux acceptables, le tour de ventre diminue, et la foulée est satisfaisante! Let’s do this!
L’avant course
Comme noté plus haut, à cause du truc là, on part par groupe de 100. Je pars dans la première vague (les meilleures cotes ITRA, je ne sais pas trop comment je me retrouve là!), et ma sœur 1 heure plus tard dans la troisième.
En plus du matériel obligatoire classique, s’ajoute le masque et le gel. Quel détail, quand on voit le nombre de courses annulées dans la même période! Bravo et merci à l’organisation, ils ont même rendus les gestes barrières naturels lors de la course.
6h: Dans la navette vers le départ
Le Collet d’Allevard – Chalet de Pré Nouveau 12km / 900m D+
La première montée est assez simple. Du D+ “gratuit”, si on ne se crame pas bien sur! On monte au sommet du domaine skiable, en alternant les pistes de difficultés différentes. Petit pincement au cœur en passant Super Collet, le lieu de mes deux premiers abandons. Mais aussi notre dernier contact avec la civilisation avant une bonne dizaine d’heures.
C’est au sommet, après trois heures à tout petit rythme, que ma sœur me rejoint et c’est parti pour une sacrée balade. Le brouillard présent dénote le changement de temps, et refroidit les températures bouillantes de la veille et de la nuit. On ne peut pas tout avoir!
On descend ensuite vers le chale t de Claran, pour remplir les gourdes d’eau. Pas de ravitaillement avant le trentième, c’est aussi l’occasion de taper dans le stock de nourriture. Le combo Mars / Saucisson / Cajou est l’assurance d’avoir assez d’énergie pour les montées!
Chalet de Pré Nouveau – Plan du Lai 12-22km / 1200 m D+
Après l’apéritif, les vraies Alpes, caillouteuses, dures, pentues, commencent.
Au programme, 3 coups de cul de 400, 200 et 400m, une crête suivie d’une descente technique.
On prend le rythme de ma sœur bien sur, le but étant de s’arrêter le moins possible. Première montée, dans la forêt. Deuxième montée, la végétation se fait rare. Et on arrive dans les cailloux qui font la réputation de Belledonne!
Le col d’Arpingon finit par se dessiner, un petit passage entre deux pics. Une vision classique des Alpes, mais de celles qui n’ont de cesse de nous émerveiller. A ce moment, les groupes de niveau se forme, on voit de plus en plus souvent les même têtes. C’est toujours un moment important dans la course, si les autres en sont là, on n’est pas si mal !
On ne redescend pas tout de suite, et on suit la crête, hachée de descentes, montées et passages techniques jusqu’au col de la Frèche.
Comme pour nous féliciter de notre effort, le temps se lève et nous permet d’avoir de magnifiques éclaircies, qui vont jusqu’aux massifs voisins de la Maurienne, et même du Mont Blanc.
La descente est dure, sèche au début, puis trainant dans la longueur. Avec les mètres d’altitude perdus, la température remonte. Le sac à eau se vide jusqu’au fond. C’est pas le moment de faiblir, et il faut garder un bon rythme jusqu’au plan du Lai, où une bonne eau de source nous attend.
Car c’est ça aussi la magie de cette course: elle semble dure, ingérable, exténuante et puis d’un coup, on se retrouve dans un petit coin de paradis aménagé par les bénévoles, perdus en fond de vallée. Eau à foison, ombre, barres très énergétiques, bonne humeur.
On fait notre première vraie pause à ce moment, après déjà près de sept heures d’effort.
Plan du Lai – Fontaine Noire 22-30km 600m D+
Une fois bien rafraichis, direction le point culminant, la pointe de Rognier. A ce moment, il a fallu commencer à taper un peu dans notre motivation.
Le début se passe pas trop mal, même si ma sœur a la digestion quelque peu difficile. Ti pas ti pas mi va arriver a commencé à être notre phrase motivationnelle, venant tout droit de la Réunion. On prend des relais, histoire que je serve de point de repère, mais que je garde un rythme suffisamment doux pour ne pas mettre ma sœur dans le rouge.
La barre du ravitaillement une fois digérée, le moral revient et de nouveau se dessine un col pierreux. Régulièrement, on avance, on grimpe. Ne pas lâcher, ne pas se dire que les pauses sont la solution est souvent la clé du succès dans ces situations.
Une fois le col passé, une crête, et celle là elle est bien vertigineuse. Je marche en penchant sérieusement du côté de la paroi! Mais ce n’est rien. La course nous fait passer à la pointe de Rognier même. Et comme son nom l’indique, c’est très, très étroit une pointe. Du coup, descente sur les fesses tellement c’est raide et instable!
Une fois le plus raide passé, on enchaine sur la descente, avec le premier ravitaillement à la fin!
On essaie d’être le plus efficaces possibles: on se change rapidement, on mange et on boit. Coca bien sur, saucisson, et fromage, du bon fromage du coin! On prend des tucs en partant, poche à eau bien remplie, et go!
Fontaine Noire – Le Pontet 30 – 45km, 700m D+
Depuis le début, on s’était dit que le plus dur serait passé le premier ravitaillement atteint. Rétrospectivement, on avait raison. Le rythme est pris et le mode automatique est enclenché. Une montée, une descente, manger, boire….
Encore quelques problèmes de digestion pour ma sœur, mais elle tient un rythme qui nous avance sur les barrières horaires tout de même. Je prends un relais pour faire point de repère, et la digestion va de mieux en mieux.
Après 600m de D+ plutôt roulants pour le massif, on atteint le col de la Perche. Alors que l’on voyait le col, en pensant que ce n’était qu’un début, un bénévole nous annonce que c’est bien la fin de la dernière grosse montée de la course! N’y croyant pas trop, je rajoute des questions pour le tester, et en effet, ça col pas mal avec ce qui était mis sur le roadbook. Les bonnes indications orales étant rares en courses (euphémisme), elles ont été d’autant plus appréciées !
Une fois le col passé, la nuit commence à tomber sérieusement. Le vent se lève, et le froid tombe. A plus de 2000m ce n’est pas étonnant. On pousse jusqu’au sommet du grand chat et on s’équipe. On est frigorifiés le temps de sortir les frontales du sac! Vite on s’engouffre dans la descente.
Les nuages sont assez hauts pour nous offrir un beau coucher de soleil.
Et là, avec la chaleur qui revient, on sent qu’on peut finir. Un peu raide au début, la descente se calme petit à petit pour devenir bien roulante.
Alors que l’on accélérait, ma sœur perd sa concentration et trébuche. Après tous ces efforts, ça ne pardonne pas: crampe et chute de tension. Mais à deux, ces moments sont plus simples à passer. On se retrouve dans la nuit, assis le long du chemin, en espérant que ce n’est certainement qu’un accroc mineur sur le parcours. Quelques minutes plus tard, on repart, plus de peur que de mal. On reprend petit à petit notre rythme de croisière.
Le ravitaillement arrive, et on n’a qu’une envie: repartir et finir! On ne prend pas de risque tout de même : Poche à eau remplie, pain d’épice chocolat fromage soupe avalés, et on est prêts en 15minutes, efficace à ce stade de la course.
Le Pontet – Aiguebelle 45 – 57.7 km, 500m D+
La montée vers le fort de Montgilbert n’est pas très intéressante, mais pas trop dur. Le sommet est mal plat, et quelques petites cotes parsèment les 2 ou 3 kilomètres avant la descente finale.
Pour la fin on pousse, on pousse. Les jambes tirent, la souplesse n’est plus là, mais peu importe, on ne s’arrête pas de courrir, même à un rythme faible.
On papote pas mal avec un coureur qui profite de notre faisceau de frontales, la sienne n’ayant plus de batteies! On finit par le lacher, sans faire exprès, mais heureusement à l’orée de la ville, quand les lampadaire reviennent et les pistes larges.
On ne s’arrête pas, on est si près du but. On entre dans Montgilbert, puis Aiguebelle, le parking et en enfin le parc d’arrivée! L’Arche, Maman, la cloche, tout y est, on l’a fait.
La célèbre cloche! Sonnée après un lavage au gel 😉
Pas d’effusion de joie, mais le sentiment du travail bien fait. Et ça y est, après trois tentatives je vois enfin l’arrivée du bon côté, de celui de ceux qui ont parcouru toute la distance!
Conclusion
Il est deux heures du matin, le temps de s’enfiler une polenta saucisse, faire une micro sieste, on peut retourner chez nos hôtes. Quatre heures, on arrive, on prend une douche, et au lit, la récupération commence.
Quelle course magnifique, qui a continué de me surprendre, avec une organisation exceptionnelle. Un bénévole pour 3 coureurs, le ratio est impressionnant.
Les 18 heures d’effort m’ont permis de tester quelques nouvelles touches à mon hydratation et alimentation, qui ont été très bénéfiques. Surtout, partager cette expérience, cette journée hors du temps, ses émotions, valait bien l’heure d’attente au départ.
Une dernière vue pour la motivation
Merci Paul, ca fait rêver !
Bravo pour l’aventure et merci pour le récit !