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Eco trail 2014, Cr Monia Arjouni ‘Mon 1er Ultra’

Mais que fait le chauffeur ??

Cela fait maintenant 20 minutes que nous attendons dans la navette dont le moteur tourne. Bravo pour un écotrail. Cette navette remplie de coureurs angoissés, stressés, excités, enjoués à l’idée de se lancer dans ce périple. J’ai rêvé ce jour, je l’ai attendu, je l’ai appréhendé, je l’ai imaginé et maintenant qu’il se présente, je rêve de demain, me dire que je suis allée au bout, que je n’ai pas failli, que cet écotrail n’a pas eu le dernier mot même c’est moi qui ai subi les maux.

Me voilà dans l’arène. Nous sommes exactement 1582 fous furieux à se lancer dans cette fabuleuse aventure, 1582 à se motiver mutuellement, à se conseiller, à se rassurer, à rigoler. Pour ma part, je n’ai aucun conseil à donner. C’est ma première participation. Je les écoute en tirant le meilleur du pire de ce que je peux entendre.

C’est y est, le départ est donné après les recommandations du speaker. Me voilà partie pour 80kms de souffrance, de partage, de bonheur. Je suis surmotivée, je veux aller au bout. Aller au bout signifie pour moi une grande victoire et pas seulement sportive.

Nous faisons un tour de la base de loisirs de Saint Quentin en Yvelines. Vigilante je suis, car le terrain est parsemé de petites bosses qui, malheureusement font chuter une coureuse qui a dû abandonner après 1km de course. 2kms plus loin, c’est un coureur qui tombe et fait une crise d’épilepsie. Je suis peinée pour ces derniers. Mon amie Maeliz est près de moi, nous avons la même allure. Pendant 3 mois, nous nous sommes entrainées ensemble, alors aujourd’hui, c’est ensemble que nous allons parcourir ces quelques 80kms.

Devant moi, j’aperçois Stéphane. Je ne le connais pas. Comment puis-je connaitre son prénom bien qu’il soit inscrit sur le dossard vu qu’il est de dos. Il est aussi inscrit sur son postérieur. Le bon dieu nous a doté d’yeux fait pour regarder alors je regarde.

J’arrive près de lui et on entame la conversation. Je cours tranquillement n’ayant aucun objectif temps, juste passer les barrières horaires.

Il me parle de sa femme, me dit qu’ils s’aiment profondément et que de cet amour est née une petite Ambre une semaine auparavant. Je bois ses paroles. C’est très émouvant d’écouter un nouveau papa parlé de son enfant comme de la huitième merveille du monde. Je suis tellement absorbée par ce qu’il me dit que les 22kms que nous venons d’avaler sont passés sans aucune difficulté.

Première barrière horaire franchie. Je remplis ma poche d’eau, je bois bien que je n’ai pas soif, je mange bien que je n’ai pas faim, je danse, parce que j’ai très envie de danser. Les musiciens présents sur le ravitaillement jouent une musique très entrainante. Le chanteur a une voix à tomber par terre.

Bon, il faut repartir maintenant. Parle-moi encore de Ambre Stéphane. Non, à ton tour Monia de me parler de toi.

Eh bien moi aussi j’ai la huitième merveille du monde à la maison. Cette huitième merveille qui me disait encore hier soir combien elle était fière de moi, qu’elle n’avait aucun doute quant au fait que je finisse cette aventure, que j’étais la plus forte, la plus belle dotée d’un mental d’acier. Ces mots-là gravés dans moi à jamais m’ont portés tout au long de la course.

Maéliz faiblit, je l’attends mais elle m’encourage à continuer sans elle, elle a un coup de mou et me dit qu’en aucun cas, je dois gâcher mon écotrail.

Je poursuis donc sans elle mais toujours avec Stéphane qui quand je fatigue un peu se met devant moi et me demande de lire son prénom. Il me fait rire. On parle, on rigole, on refait le monde. Il évoque le souhait de faire un petit frère ou une petite sœur à Ambre, que toute sa vie il a rêvé d’être papa, qu’il n’a toujours pas réalisé qu’il l’est devenu.

Il est malin ce Stéphane, à me raconter sa vie, nous arrivons au km47 sans avoir vu le temps passé. Enfin, je n’ai pas vu le temps passé mais le dénivelé, je l’ai vu, mes cuisses l’ont subi. J’ai la peau dorée par le soleil qui brille au-dessus de ma tête. Je me mets à pleurer car je réalise que j’ai dépassé 42,195km. Je n’étais jamais allée au-delà d’un marathon. Je suis fière de moi et même si je commence à fatiguer, le mental est là et je prends du plaisir.

Salut Monia, comment tu vas ? Tiens, Thibault un ami que je n’ai pas vu depuis longtemps est présent sur l’écotrail. Me voilà escortée par deux garçons à présent. Nous reprenons la route enchainant des côtes très longues et très difficiles mais quand ça monte, ça descend ensuite. Je commence à avoir terriblement mal aux pieds. Les ampoules les ont attaqués. L’ongle de mon orteil droit me fait terriblement mal, il tape dans ma chaussure dans les descentes si bien que je finis par préférer les côtes. Stéphane est devant moi me demandant toutes les 30 secondes ce qu’il y a d’inscrit sur son corsaire quant à Thibault, il est derrière me disant que ma jupette me sied à ravir. Passe devant Thibault, si tu veux lui dis-je. Ca va aller Monia, je me sens bien derrière toi. Le coquin !

Le temps commence à s’assombrir. Je deviens de plus en plus vigilante car le chemin est parsemé de pierres, de racines. Je fatigue vraiment et là paf, je tombe sur les genoux, aïe! Stéphane et Thibault sont à mes petits soins.  Nous en sommes à 7h00 de course quand un bénévole nous annonce que le prochain ravitaillement est proche, que de la soupe, du fromage et de la charcuterie nous attendent. J’ai faim, je mangerais un sanglier avec ses poils. Mon dieu comme elle est difficile cette côte qui se présente. C’est la plus dure du parcours me dit-on. J’ai mal aux cuisses, aux pieds, au dos. Devant moi, un coureur est allongé par terre hurlant de douleur, un autre allongé aussi et dont on peut deviner ce qu’il a mangé auparavant tellement il vomit. J’ai mal au cœur pour eux. Je vais chercher au fond moi la force d’arriver en haut. Je pense à ma fille, je traine la patte. Ca y est, j’aperçois le ravitaillement km57. Deuxième barrière horaire franchie. La musique résonne de nouveau sur le ravitaillement. J’ai très envie de danser mais je ne danse pas. La soupe, le fromage, les gâteaux sont excellents mais ce qu’il y a de plus excellent, ce sont ces bénévoles qui sont là pour nous, qui nous motivent, qui nous offrent leurs sourires, leur bonne humeur, qui nous disent combien ils sont admiratifs de ce que nous sommes en train d’accomplir. Sans eux nous ne serions pas là. Nous avons besoin d’eux.  Cette bonté, cet altruisme, cette générosité de leur part me touchent profondément. De nouveau, je me laisse submerger par l’émotion. Monia, qu’est- ce qu’il est inscrit sur mon corsaire ? Ah ce Stéphane, toujours là pour me faire rire. Tu es très jolie Monia mais pas quand tu pleures. Allez, on repart, la victoire nous attend me dit-il.

On dégaine la frontale, une file indienne de lumière se créée dans les passages sombres et sinueux. On se croirait dans le film «Germinal» tels des mineurs allant au charbon. Finalement, je préfère imaginer la scène des 7 nains dans Blanche Neige quand ces derniers chantent à tue-tête «eh oh, eh oh, on rentre du boulot», C’est beaucoup plus joyeux.

Les kilomètres commencent à devenir épuisants, de plus en plus longs, j’ai mal aux pieds, je n’en peux plus. Je souffre à tel point que je suis obligée d’enlever mes baskets. Je fais un bout de route sans. Ca va, le bitume a fait son apparition et le parc de Saint Cloud va bientôt pointer le bout de son nez. J’ai hâte car je sais qu’à cet endroit m’attend Christian P. Je lui ai envoyé des SMS sur le parcours afin qu’il sache où j’en suis.

Quand Ambre sera grande, je l’initierai au trail, elle est comme je l’ai rêvée, des yeux d’ange, une peau de velours, un sourire ravageur par contre, elle n’a pas de dent me dit Stéphane. De nouveau, j’éclate de rire en rentrant dans le parc de Saint Cloud. Quatrième et dernier ravitaillement km67 et troisième barrière horaire franchie. Je préviens Christian P. Il m’attend au km70. Je suis morte de fatigue mais la tête est là et je reprends la route. La victoire commence à être palpable, la dame de fer n’est plus très loin, les musiques endiablées échappées des péniches sur les quais de Seine m’appellent. Ca y est j’aperçois Christian P. accompagné de sa femme. Il voit bien que je suis épuisée, que j’ai mal aux pieds. Sa femme me dit être admirative de ce que je suis sur le point de réaliser. Christian P. me dit qu’il n’est pas garé loin si je veux. Au grand jamais, je ne vais pas abandonner si près du but. J’avance lamentablement m’accoudant sur l’épaule de Christian P. J’alterne course et marche. Ces 10 derniers kilomètres me semblent interminables quand soudainement, la dame de fer apparait dans mon champ de vision. Bien que je m’approche de plus en plus d’elle, j’ai l’impression qu’elle recule, je suis arrivée pile poil au moment où elle s’habille d’une merveilleuse lumière bleue qui scintille et devant laquelle, je suis époustouflée. Christian P. m’est d’un grand soutien. On discute, on court, on marche. Les photographes sont là. Je prends la pose avec un énorme sourire, l’arrivée au Trocadéro n’allant pas tarder. Nous sommes dans le dernier kilomètre. Plus que quelques marches à gravir. J’ai le choix entre les marches ou l’escalator. Sport jusqu’au bout, je ne prends pas l’escalator. S’en suit, une descente qui nous mène dans les jardins du Trocadéro, une trentaine de mètres qui longe le bassin de ce dernier et là, je vois la ligne d’arrivée. La victoire n’est plus palpable, elle est réelle.

J’en reviens pas, je suis allée au bout, j’ai couru 80 kilomètres. Christian P. me félicite. Maéliz a finalement fini elle aussi. On se sert dans les bras, on est heureuse d’avoir accompli un tel exploit car oui pour moi, c’est un exploit. Je rentre à la maison, la huitième merveille du monde m’attend. Je porte le t shirt Finisher. Elle est fière de moi.

Cette victoire, je l’ai rêvée, je l’ai voulue, je l’ai attendue. Elle est belle et bien là, elle me redonne confiance. Je ne douterai plus jamais de moi.

«Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort»

Frédérick Nietzsche

Monia A.

 

Résultat : 

Sur 80km: Monia 1274ème en 12h30'18'' (1320 coureurs classés).

Eco trail 2014, Cr Monia Arjouni "Mon 1er Ultra"
Eco trail 2014, Cr Monia Arjouni "Mon 1er Ultra"
Eco trail 2014, Cr Monia Arjouni "Mon 1er Ultra"

10 Comments

  1. Philippe Del.

    Comme déjà écrit, bravo pour cette volonté de finir ce type d’épreuve et bienvenue à toi dans le monde des Oufs de l’Ultra. Mais attention à ce milieu, il ne faut pas trop en abuser pour ménager le physique mais également le mental…Très bonne récup.

  2. Samuel

    L’écotrail est une course très difficile car le denivele modéré sur une distance elevé incite à beaucoup courir et il y’a peu de variations dans les sollicitations des pieds et des cuisses.
    Bravo pour ta course !

  3. Christian

    Je puis témoigner que Monia a fini très fort, en courant assez rapidement ses dix derniers kilomètres et qu’elle a doublé pas mal de concurrents… un peu fatigués. Elle n’a pas eu besoin de moi, elle était fraiche de corps et d’esprit et en plus j’aurais bien pris l’escalator pour accéder au Trocadéro dans les derniers hectomètres… Ch.

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