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Marathon de Vannes : l’une vole, l’autre peine !

Il est des épreuves dans lesquelles on s’engage sans trop mesurer la difficulté et de fait, sans s’y préparer avec la rigueur qui s’y impose. Le marathon de Vannes était pour moi le second auquel je participais.  Si celui de Paris en avril dernier, fut difficile, il fut aussi marquant par son aspect festif et par l’exaltation de participer  pour la première fois à cette course mythique.

 

En revanche celui de Vannes fut bien différent.

 

J’étais heureux de m’aligner au départ de cette course, tout près de chez mon vieux pote JP. De plus cette belle épreuve, nous l’avions prévue de longue date avec Nathalie et Monia. Malheureusement, cette dernière a du déclarer forfait à quelques jours du départ. C’est donc à deux que nous sommes allés dans le Golfe du Morbihan. Notre crainte de courir dans le vent et sous la pluie n’était pas fondée.  En effet, au matin, aux pieds des remparts de cette ville fortifiée, nous étions plus deux mille à voir un coin de ciel gris se soulever pour laisser pénétrer sous sa toile morne un azur inattendu appelant l’astre roi à nous échauffer les membres encore transis.

 

Le départ donné, nous nous élançons Nathalie et moi, dans notre quête du graal. Comme les Chevaliers de la Table Ronde, nous savons que cette épreuve sera bien difficile, mais pas impossible à réaliser, d’autant plus que Nathalie en est à son huitième marathon, et moi je garde encore des souvenirs douloureux de mon unique à ce jour. Bref, nous allons tout de même de l’avant afin de nous nourrir de nouvelles fatigues, de nouvelles joies, de nouvelles peines peut-être et,  comme les Chevalier du Moyen Age, nous courons vers la lumière de nouvelles connaissances, non pas offertes au monde (nous n’en sommes pas là) mais à nous même. Nous courons pour nous découvrir et pour nous dépasser. Certainement aussi pour nous surprendre.

 

Après quelques hectomètres pentus, nous sortons du centre ville  pour nous aventurer dans ses faubourgs (c’est un peu exagéré, je l’admais, Vannes n’étant qu’un gros village !!!). Déjà nos narines frétillent à l’exhalaison de la « Petite Mer » (nom breton du Golfe du Morbihan, – pour les non bretons -). Au dessus de nos têtes dans un ciel se couvrant de son habituelle tunique grise, quelques stupides mouettes dessinaient des arabesques folles. Devant moi, par ce gris dimanche, courait Nathalie (ça me rappelle quelque chose ça !!!). Mais je n’avais pas fait 500km, pour me laisser distancer dès les premiers kilomètres par cette frêle donzelle. Je reviens sur ses pas, elle me regarde et me sourit (elle est comme ça Nathalie) puis marquée par de trop fréquentes sorties avec Christian Pallandre, elle me donne des indications venues directement du GPS attaché à son poignet. (C’est dingue l’influence qu’à ce C.P sur les filles !!!)  Bref, nous sommes bien, dans un bon temps. Déjà je caresse l’espoir d’améliorer mon chrono de Paris, et de prendre une avance conséquente sur le futur temps de ce même C.P  dimanche prochain à Lausanne.

 

Nathalie-et-Michel---Marathon-de-Vannes---21oct201-copie-1.jpgNous entrons dans le village d’Arcal, et là nous recevons un accueil des plus chaleureux. Tous les habitants costumés à l’ancienne, équipés de leurs outils d’autrefois, nous encouragent et nous distraient.  Au second passage, ils seront beaucoup moins nombreux à nous soutenir, mais il est vrai que c’était l’heure de la sieste d’après le repas dominical.

Plus loin, dans un autre village, on nous offre crêpes et soupe de potiron. Encore plus loin, après une montée qui fait mal aux jambes, on nous propose huitres et cidre !!! Dur dur !!

Bref, tout ce passe bien dans cette première boucle que l’on boucle en tout juste deux heures. On est dans les temps. C’est super.  Mais, la joie ne sera que de courte durée pour moi. Au 26eme, je sens un orteil douloureux. Je sais ce que cela veut dire, j’ai connu déjà ça à Paris mais 10 kms plus loin. Je m’arrête à une assistance médicale qui n’en a que le nom.  J’ai l’impression de déranger lorsque je demande un soin. A bien y réfléchir, je crois que je dérangeais vraiment. Bref, on me donne un petit pansement (tout petit) pour protéger cet orteil qui perdait son ongle. Peut-être que l’huître et le verre de cidre auraient été plus efficaces. Trop tard. Je tente de repartir, mais mes jambes ne semblent pas trop d’accord. Nathalie est toujours là. Moi aussi, je suis là. Je la suis.  Je lui ai déjà fait perdre au moins six minutes avec cet arrêt (sans cela elle était en dessous des 4heures à l’arrivée). Mais déjà je sais que j’aurai du mal à la suivre encore longtemps. Pire, j’aurai du mal à finir. Il nous reste 12 km et mes jambes pèsent chacune une tonne. Nathalie s’éloigne de moi. Puis progressivement, la gazelle, s’emballe, elle court, elle court, que dis-je, elle vole. Ses pieds ne touchent plus terre. Et moi, je me traine, je m’engueule, je m’insulte.

 

 A l’entrée d’un bourg je vois un calvaire, posé là exprès pour me rappeler qu’un marathon c’est parfois l’épreuve d’une vie. En tout cas, il peut en être une allégorie. Je hais les calvaires, et le mien ne fait que commencer. La belle gazelle a déployé ses ailes (oui c’est une espèce singulière,  mi-mammifère, mi-oiseau que l’on rencontre qu’à l’Asphalte en de particulières circonstances). Je ne la vois déjà plus. Elle a été absorbée, avalée, dévorée,  par le long cortège de coureurs qui serpentent sur le chemin étroit menant vers le néant.  

 

Moi, je ne cours plus, je ne marche pas non plus, je suis anéanti. J’ai la haine. Les crampes me tétanisent, mes jambes ne sont plus que douleur. Me je sens pareil à un cheval fourbu. Cheval de trait évidemment.

 

Mais, je me reprends. Je pense à tous ceux qui voudraient être à ma place mais que leur destin leur a à tout jamais interdit. J’arrête de me répandre. Il me faut avancer. On doit commencer à m’attendre. Les dernières montées s’avalent sur les genoux, mais j’avance, puis je titube, J’escalade plus que je ne cours. J’abandonne, non, pas aujourd’hui, j’ai le maillot de l’Asphalte sur les épaules. Mais les ai-je  assez larges pour représenter notre club. J’en doute. Alors au passage du 40eme, je me fais la promesse, je terminerai. Pour ces deux derniers kilomètres je cours la tête haute, mais le moral bas. Enfin, j’entends les hauts parleurs du stade. Ils annoncent la fin de mon supplice. Je rentre dans le stade. Il me reste 300 mètres à couvrir. La tête baissée, les bras touchant le sol, j’ai mille ans, et j’avance comme un menhir. Quelques paires de jambes me font barrières. Celles-ci n’arriveront pas avant moi. Je dépasse  ces attardés et aperçois sur la ligne d’arrivée Nathalie qui me fait des grands signes pareils à si j’avais battu  le temps de l’épreuve. Je passe la ligne, elle me félicite, et je m’écroule.  Deux très jeunes pompiers portant encore une couche culotte et une totote à la bouche, ont la bienveillance de me prendre en main. Bien leur en a pris car après dix minutes, je peux me relever et esquisser quelques pas. Génial, je retrouve l’instinct de la marche. Je peux quitter le stade, et avec Nathalie aller chez mon ami Jean-Pierre, apaiser nos douleurs respectives et  déjà nous projeter sur nos prochains semis et marathons. D’ici là, je me serai refait des jambes  à la hauteur de mes ambitions.

 

Merci Nathalie pour ton accompagnement, ton soutien et tes encouragements. 

 – Si tu me lis  mon pote, mon ami J.P merci à toi et à Martine pour votre accueil exceptionnel.

 

Michel ROBERT

3 Comments

  1. Nicolas KWONG-CHEONG

    Michel,

    Je crois qu’aucun asphaltien ne te dira que tu n’as pas ta place au club. Tout marathonien connait des jours sans qu’on ne s’explique pas toujours. Il y en aura d’autres mais il y aura aussi sans
    aucun doute de bien meilleurs. Et c’est à ceux là qu’il faut penser. C’est aussi cette part d’incertitude, ces petits détails et péripéties de courses qu’on ne maîtrise pas
    complètement qui rendent cette épreuve si particulière et mythique. Face à la difficulté tu as su trouver les ressources morales pour aller au bout. Tous ne l’auraient pas fait (j’en parle
    en connaissance de cause). Rien que pour cela, tu mérites le respect de tous. Félicitations à toi !!!

    Nico (deux abandons sur marathon : Paris 2006 et 2010… et d’autres pleins de plaisir)

  2. BIHOUÉE Hervé

    Le marathon ne sera jamais une science exacte,même avec une bonne préparation .

    Bravo pour ton courage

    bravo pour ton CR et ton dossard !

     

  3. Michel ROBERT

    Merci pour vos félicitations (!!!) et pour vos encouragements .

    L’asphalte est une grande famille solidaire. Une fois de plus vous en apportez la preuve par vos commentaires.

    Merci

    Michel

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