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Ich bin ein Berliner

Ah Berlin ! Que de bons souvenirs, sans doute un de mes marathons les plus accomplis et un de ceux sur lesquels j’ai pris le plus de plaisir. Enfin celui du 28/09/2008. Parce que celui du 28/09/2014 s’annonçait bien différent. Car depuis ma première expérience berlinoise, Berlin est moi c’est un peu une histoire de rendez-vous manqués et de blessures. 2011 : je parviens à courir les 25 km de Berlin alors que je reviens tout juste de blessure. 2013 : blessure et changement de boulot, je renonce au marathon et reporte mon inscription à cette année. J’espérais être tranquille en 2014. Sauf que jamais 2 sans 3, blessure juste avant l’été,  deux mois d’arrêt et reprise vers le 20 juillet. 2 mois pour préparer un marathon alors qu’on n’a pas fait un footing depuis autant, le défi s’annonçait compliqué. En tout cas pas la peine imaginer renouveler 6 ans après jour pour jour la même course. Mais en tout cas, c’était décidé : je participerais et ferais tout pour terminer ce marathon. Tant pis pour le chrono pour une fois. Mais on veut toujours reprendre plus vite que de raison. Et si ma déchirure au mollet n’était bien plus qu’un lointain souvenir, d’autres pépins ne tardaient pas à se rappeler à moi. Et notamment cette douleur à la cuisse qui rendait impossible toute sortie longue sans devoir m’arrêter de façon répétitive au-delà d’1h40. Et ce ne sont pas les séances (qui se voulaient) de rythme du dimanche matin qui incitaient à l’optimisme. Pour la première fois depuis bien longtemps je partais sur marathon sans connaître mon potentiel.

J‘ai mes habitudes à Berlin. Je descends toujours au même endroit. Et la patronne sait pourquoi je viens. En arrivant j’ai le droit à un ‘Ach, Herr Kwong’. Et sa première question ‘Sind Sie für den Marathon gut trainiert ?’ (Etes-vous bien entraîné pour le marathon ?). J’espérais éviter cette question… 

  

Je profite du vendredi pour aller chercher mon dossard. En 2008 j’avais été impressionné par la distance qu’il fallait parcourir dans l’expo marathon pour quérir le précieux sésame.  Le lieu n’est plus le même. C’est désormais dans l’ancien aéroport de Tempelhof qui avait permis le pont aérien américano-britannique de 1948/49 (quand il n’y avait pas encore de mur) permettant de contourner le blocus terrestre de Berlin ouest par les soviétiques. La méthode visant à nous faire passer devant tous les stands commerciaux avant de récupérer le dossard a été savamment reproduite ici. Mais avant les stands commerciaux il y a la Bier Fest et ses stands saucisses-frites. On est bien en Allemagne :-). Mieux vaut ne pas avoir oublié sa pièce d’identité à l’hôtel et devoir revenir.

 

Dimanche, départ prévu à 8h45. Météo et température idéales. Mieux vaut arriver un peu en avance. Il y a un peu de distance pour rejoindre le village départ au pied du Reichstag puis la ligne de départ. Le départ a lieu sur l’avenue des 17 juni. Ligne d’arrivée et porte de Brandebourg dans le dos. Devant au loin Siegessaüle, colonne de la victoire les ailes déployées nous montre la voie. Enfin compte tenu de ma vue perçante, je ne peux que la deviner. Je suis placé dans le sas des 2h40 / 2h50. Et oui il y a encore un an, au moment de l’inscription,  faire moins de 2h48mn47s (plus de 15 km/h) était l’objectif. Là j’ai peur d’être aspiré et de partir trop vite. Coup de pistolet, la ligne à peine passée ça se tasse. Un bénévole aide un kenyan (ou éthiopien) le nº53 à se relever. On file vers Siegessaüle.  A sa hauteur je me fais bousculer par un coureur qui slalome pour remonter le peloton. Le nº53 s’est relevé mais pour lui la course est déjà terminée. Il doit avoir 1000 personnes devant lui. Il ne peut pas se remettre dans l’allure.

 

On traverse tout le Tiergarten sur l’avenue du départ pour bifurquer vers le quartier de Moabit avant le 3e km. Je me suis calé sur une allure de 3 heures, sans savoir si c’est un choix judicieux.  La boucle de départ nous ramène vers le quartier de la chancellerie. On repasse à côté du village départ et donc à proximité de la ligne d’arrivée au 7e km. Heureusement que c’est tôt dans la course. Au 30e km ça pourrait être une tentation de ne pas aller au bout. La foule qui s’était massée au départ s’est déplacée à cet endroit. On passe un premier pont sur la Spree pour passer dans l’ex Berlin est. Les ponts sont bien la seule difficulté, toute relative, du parcours à Berlin. Rien à voir en effet avec le Queensboro ou le Verrazano de New York. La rivière n’est pas bien large ici. Berlin n’est pas réputé être le parcours le plus rapide du monde pour rien.

 

On est maintenant dans le quartier de Mitte pas très loin d’Alexander Platz dominée par la tour de la télévision. Mes sensations ne sont pas terribles bien qu’on n’en soit qu’au hors d’œuvre. Et je m’aperçois qu’entrainé par mes compagnons de route j’accélère légèrement.  Ce n’est sans doute pas raisonnable. Passage au km 10 en 42mn20s. L’architecture des quartiers traversés désormais ne laisse aucun doute sur le fait qu’on est dans l’ancienne partie soviétique de la ville. Au 11e km on emprunte la Karl Marx Allee, ex Staline Allee, gigantesque. On débouche sur un immense rond-point dont on fait 3/4 de tour.

 

Au 14e km on repasse dans la partie occidentale de la ville. Le rythme s’est globalement stabilisé sur du 4mn11s au km. On traverse ensuite le quartier de Kreuzberg. Passage au semi en 1h29mn. J’espère pouvoir maintenir l’allure. Mais je ne suis pas serein. Pas tant pas par mon état de fraicheur à ce moment de la course. Mais par ma douleur à la cuisse qui s’intensifie. Pour l’instant j’arrive à la supporter. Au km 23 on passe devant la mairie du quartier de Schöneberg. C’est à son balcon que Kennedy a prononcé sa célèbre phrase ‘Ich bin ein berliner’. Bah moi je voudrais être un ‘berliner Marathoner’ aujourd’hui donc il faut que je m’accroche. D’autant qu’arrive un moment un peu crucial d’un point de vue psychologique. Le passage à côté de l’hôtel… J’ai déjà abandonné 2 fois à Paris en passant à côté de la maison. Je vais éviter répéter ce scénario-là ici. Et pourtant j’ai de plus en plus mal à la cuisse. Je passe à côté de l’hôtel en évitant de tourner la tête à droite. Maintenant il faut que j’aille au bout.

  

Km 26 la douleur est trop forte. Je m’arrête 20 secondes et j’essaie de me masser les adducteurs et les ischios. Je repars. Même pas 2 km après je suis obligé de renouveler l’opération. J’arrive à repartir en me remettant dans le bon rythme. Mais mes pauses n’ont qu’un effet salvateur temporaire. Je n’arrive plus à courir en continu. Au km 29 on repasse dans un quartier que j’avais gardé en mémoire et où 6 ans auparavant je volais littéralement. Rien que d’y repenser, ça me mine le moral alors qu’à chaque km je fais désormais 15 à 20 secondes de marche avant de finir le reste des 1000 m en course. Malgré cela j’arrive à maintenir un rythme de 4mn25/4mn30 au km. A chacune de mes pauses j’ai le droit aux encouragements de la foule qui sent bien mon désarroi : ‘Come on Nikolasse’. Oui ça se prononce comme ça en allemand :-).

  

Passage au 30e km en un peu moins de 2h08mn. Au km 33 on entre sur le Kurfürstendamm, les Champs Elysées berlinois. Je cherche au loin la Gedächtnis Kirsche, église dite du souvenir dont le clocher est resté éventré suite aux bombardements alliés de 45. Sa silhouette se dessine. On approche du km 35. Les moins de 3 heures sont désormais envolés. Tant pis je finirais comme je pourrais mais je finirais. Quel que soit le chrono. Dommage parce que quand j’arrive à courir, sans être bien je ne suis pas à la ramasse. On approche désormais de la Potsdamer Platz et on repasse dans l’ex Berlin est. On est au km 38. Au moins le pari de terminer est gagné. La fatigue et les douleurs à la cuisse font que ma foulée devient chaotique. Un virage à gauche et on passe le panneau du km 40. On est à proximité de Gendarmenmarkt. Unter den Linden et la porte de Brandebourg ne sont plus très loin. Je voudrais désormais finir sans marcher. Mais en entrant sur Unter den Linden ma cuisse demande une dernière pause histoire d’essayer de faire bonne figure en franchissant la porte de Brandebourg. Je ne sais pas si je mérite de passer sous cette arche qui célèbre les vainqueurs…

 

Restent les 300 derniers mètres sur l’avenue des 17 juni. J’essaie de profiter du final, un des plus beaux pour moi.

Au final 3h01. Les moins de 3 heures n’étaient finalement pas si loin et atteignables malgré une préparation trop juste. Mais il aurait fallu que ma cuisse m’accorde un peu plus de répit. J’aurais préféré connaître ces pépins à Rotterdam au printemps plutôt que là à Berlin. Mais on ne choisit pas. J’essaie d’oublier ma déception en confiant mon corps meurtri de futur jeune vétéran mais néanmoins encore vieux sénior 🙂 aux mains réparatrices de deux jeunes masseuses. On se console comme on peut…

 

Pour ceux qui voudraient suivre en image la balade, car les gars de devant eux se sont promenés :

http://youtu.be/Vh2dwJ80Edo

4 Comments

  1. Daniel

    Beau commentaire vivant à souhait Nico. J’y étais… et en plus maintenant j’ai mal à la cuisse ! Belle course pleine de courage. Pour ma part je suis partant pour 3h01′ même en ayant
    mal aux deux cuisses. Bonne récup et ensuite bonne préparation car, te connaissant, je me doute que tu sais déjà quel marathon mettre à ton programme au printemps 2015… pour ta première
    année en vétérans.

  2. Nicolas KWONG-CHEONG

    Après être arrivé à passer à côté de mon hôtel sans m’arrêter, prochain défi : être capable de passer à proximité de la maison sans être tenté par l’abandon. Petit break dans les marathons à
    l’étranger l’année prochaine et retour à mes premiers amours. En espérant que d’ici avril je parvienne à éviter les blessures…

  3. Thierry

    Nicolas

    Bravo pour ta perf car 3h01 en se massant 50 fois … c’est remarquable !

    Je suis rentré de Berlin vendredi 26. Nous aurions pu nous croiser à l’aéroport de Tegel ??

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