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Les 100 kilomètres de Steenwerck : rien ne sert de courir, il faut… savoir gérer son déclin !

Depuis quelques années, un rêve trainait dans un coin de ma tête : courir un 100 kilomètres en moins de 10 heures, à 10 km/h donc. Ayant couru 4 fois les 100 kilomètres de Millau, dans des temps compris entre 12h50 et 13h20, je savais que cela ne pourrait pas être sur le parcours vallonné de Millau, mais qu’il me faudrait, pour tenter cet objectif, un parcours beaucoup plus plat… et même ultra-plat, si possible !

Après avoir envisagé puis différé ce projet plusieurs fois, je me suis lancé dans la préparation de cet objectif, pour moi ambitieux mais a priori pas (totalement) irréaliste, début 2019, en choisissant les 100 km de Steenwerck, à côté de Lille. Le parcours champêtre y est effectivement plat, donc propice à de bons temps, et la situation géographique permet d’espérer de ne pas subir de trop forte chaleur. La course a une réputation de très bonne organisation et surtout d’ambiance chaleureuse, et effectivement je confirme : c’est la fête pendant 24 heures à Steenwerck grâce à cette course et à ses habitants présents comme bénévoles et supporters.

 

Les 100 kilomètres de Steenwerck : rien ne sert de courir, il faut… savoir gérer son déclin !

D’expérience après mes précédents 100 km, et aussi pour avoir regardé les temps de passage des arrivants à Steenwerck des dernières années, je savais qu’il me faudrait prendre un peu d’avance sur le rythme de 10 km/h sur les premières heures de course, car sur 100 km on finit toujours par décliner, généralement au bout de 6 ou 7 heures –le secret de la réussite étant de réussir à gérer au mieux ce déclin. A titre d’exemple, le vainqueur de cette année, en 7h13, est à 15 km/h jusqu’au 37ème km, autour de 14 km/h jusqu’au 62ème km, et termine autour de 13 km/h. Le 9ème, en 8h59, démarre à 12 km/h, passe à 11 km/h à partir du 62ème, et est entre 9 et 10 km/h sur les 20 derniers km. Le 15ème, dernier coureur sous les 10 heures en 9h48, est entre 11 et 11,5 km/h jusqu’au 53ème km, autour de 10 km/h jusqu’au 77ème et termine autour de 9 km/h.

Compte tenu de tout ça, je me suis fixé une stratégie de course pour relever le défi des 10 heures en 3 points :

prévenir (en tout cas, tenter de prévenir) au maximum l’apparition de la fatigue en appliquant la méthode dite « Cyrano », consistant à marcher 1 minute à des moments définis à l’avance ; le plan était de faire 19 minutes de course et 1 minute de marche sur les 6 premières heures, puis de passer à 14/1 ;

arriver aux 6 heures de course en ayant pris un matelas d’avance par rapport au 10 km/h final visé ; compte tenu de ma méthode Cyrano, j’ai décidé de courir autour de 10,8 km/h pour arriver, au bout de 6 heures, à une moyenne globale de 10,4 km/h, soit 62,5 km ; sous forme de tableau, le plan de marche devait me permettre d’atterrir gentiment sur mon matelas d’avance pour terminer en moins de 10 heures :

Temps de course

Vitesse moyenne

Distance

1:00:00

10,18

10,18

2:00:00

10,32

20,64

3:00:00

10,37

31,10

4:00:00

10,39

41,56

5:00:00

10,40

52,02

6:00:00

10,41

62,48

7:00:00

10,34

72,38

8:00:00

10,29

82,29

9:00:00

10,20

91,82

9:51:30

10,15

100,00

 

ne pas perdre de temps en arrêts imprévus, en particulier aux ravitaillements, et pour cela il me fallait un ou des suiveurs à vélo pour avoir en permanence mon ravitaillement liquide et solide à portée de main.Illustration :

Les 100 kilomètres de Steenwerck : rien ne sert de courir, il faut… savoir gérer son déclin !

Et là, je dois dire que je n’ai pas été déçu quand j’ai lancé un appel à candidats auprès de l’Asphalte, car ce n’est pas un suiveur que j’ai trouvé, ce n’est pas non plus deux, ni même trois, non ce sont 4 suiveurs qui se sont proposés ! Et quels suiveurs : j’ai nommé, et je les remercie encore chaleureusement : Nathalie la présidente, Nathalie D, Michel R et Alain W. Je savais à l’avance que leur aide serait précieuse sur le plan matériel, et qu’elle pourrait aussi m’être très utile sur le plan psychologique, et cela a été le cas (j’y reviendrai). Merci !

Je vous passe les mois de préparation, patati patata, je vous passe aussi les petits déboires inévitables de veille de course sans lesquels la vie du coureur serait quand même beaucoup moins drôle, et donc j’en arrive directement au départ. Jeudi 30 mai, 6 heures, départ du « 100 km course ». A Steenwerck, il y a en fait deux courses en une : une qui démarre le mercredi à 19 heures avec une durée maximale de 24 heures dite « course open », et une autre qui démarre le jeudi de l’Ascension à 6h00, avec une durée maximale de 13 heures. Avant le départ des « 100 km course » auxquels je participe, il y a déjà eu quelques arrivées de coureurs de la « course open », mais l’essentiel des environ 600 participants sont en fait des marcheurs, pas forcément tous très aguerris mais dont on voit qu’ils sont dans un esprit de défi personnel, ce qui donne à la course une ambiance très sympathique. Sur les 100 km course, nous sommes 90 au départ : c’est intime, et j’aime bien ça. Mes suiveurs et ma femme sont là pour m’encourager au départ, ça fait chaud au cœur avant de s’élancer pour une bonne journée de course.

Donc, jeudi 30 mai, 6 heures, top départ. Après un premier tour serpentant dans la ville, et après avoir retrouvé vers le 4ème km mes suiveurs,qui vont se relayer deux par deux, le début de course se passe comme dans mon plan – et comme dans mes rêves. Le rythme voulu est tenu, pas de bobo, mes suiveurs me font la causette et réciproquement, mais au 42ème km, une sensation m’inquiète un peu : je ne suis pas fatigué, non, mais je ne me sens pas frais non plus, je ne me sens en tout cas pas plus frais qu’à l’arrivée du marathon de Sénart couru en entrainement et au même rythme mais en conclusion d’un gros cycle de préparation. Je saurai après que c’était un signe avant-coureur…

Les 100 kilomètres de Steenwerck : rien ne sert de courir, il faut… savoir gérer son déclin !

Tout continue sans accroc jusqu’aux 6 heures, passées exactement comme dans le plan avec 62,5 km au compteur. Mais là, patatras : mon allure de course commence à baisser, mais beaucoup plus que prévu ; je passe du rythme 19/1 au rythme 14/1 comme prévu, mais ma minute de répit par quart d’heure ne me suffit plus et se transforme souvent en 1 minute 30 voire 2 minutes… Je continue à bien m’alimenter et m’hydrater, et surtout à m’efforcer d’y croire, en essayant de me convaincre que ça va repartir. Le soutien psychologique de mes suiveurs devient décisif, et ils m’aident à tenir, si ce n’est le rythme, du moins l’espoir de voir le bout et de faire (tout de même) un beau chrono.

Les 100 kilomètres de Steenwerck : rien ne sert de courir, il faut… savoir gérer son déclin !

8 heures de course, 80ème km : j’ai consommé tout mon matelas d’avance et je sais donc que c’est plié pour les 10 heures – impossible de finir à 10 km/h pendant deux heures. Les kilomètres semblent de plus en plus longs, et je m’accorde quelques pauses assises et toujours plus de marche.

Les 100 kilomètres de Steenwerck : rien ne sert de courir, il faut… savoir gérer son déclin !

Mais finalement le dernier kilomètre arrive (je prends le temps d’immortaliser ce km 99 que j’ai tant attendu)…

Les 100 kilomètres de Steenwerck : rien ne sert de courir, il faut… savoir gérer son déclin !

… avec au bout de la ligne droite mon quatuor de suiveurs, ma femme et mes enfants. Nous entrons dans le gymnase où se trouve l’arrivée et franchissons la ligne tous ensemble, en 10h39, en 26ème position sur 63 arrivants, avec une vitesse moyenne de 9,4 km/h.

Les 100 kilomètres de Steenwerck : rien ne sert de courir, il faut… savoir gérer son déclin !
Les 100 kilomètres de Steenwerck : rien ne sert de courir, il faut… savoir gérer son déclin !

Le tableau de mes passages et allures de la 6ème heure à l’arrivée est éloquent : la chute libre ! En vert, c’est quand tout va encore bien, en orange c’est encore passable, mais en rouge c’est« rien ne va plus » !

Temps de course

Vitesse moyenne

Distance

5:59:55

10,42

62,50

6:59:55

10,27

71,85

8:00:39

10,03

80,03

8:48:52

9,83

86,69

9:59:04

9,52

95,03

10:39:05

9,42

100,34

La remise des prix est une belle fête, où tous les coureurs du 100 km course sont appelés sur l’estrade (le zozo en vert à droite qui lève les pouces, c’est moi).

Les 100 kilomètres de Steenwerck : rien ne sert de courir, il faut… savoir gérer son déclin !

Moralité : quand on court un 100 km, rien ne sert de courir, il faut surtout savoir bien gérer son déclin, ce que j’ai au final fait correctement, mais pas parfaitement. Difficile d’identifier exactement le pourquoi, mais j’ai trois hypothèses.

  • Première hypothèse : je n’ai pas le chrono visé dans les jambes et je ne l’aurai jamais, car ce n’est pas mon niveau. Peut-être, mais l’écart final avec l’objectif n’est pas non plus démesuré et j’aurais sans doute pu améliorer des choses dans la préparation, donc je veux croire que ce n’est pas ça la réponse…
  • Deuxième hypothèse : ma préparation était perfectible et j’aurais dû courir plus, ou courir autrement. Pourquoi pas, mais la préparation est un équilibre délicat à trouver entre la progression désirée, l’intégrité physique et la conciliation avec la vie personnelle et professionnelle, et je crains de ne pas pouvoir faire beaucoup plus que ce que j’ai fait cette fois-ci en préparation.
  • Troisième hypothèse : mon anticipation de la chute de rythme n’était pas suffisante et mon plan de course était trop linéaire.J’avais prévu de perdre moins de 1 km/h entre le début et la fin de course, or les résultats réels montrent que l’écart début/fin de course de la plupart des coureurs (y compris des très bons, pas seulement des bras cassés) est plus important que ça. J’aurais donc, peutêtre, dû partir plus vite pour avoir un plus gros matelas. Dit comme ça cela paraît un peu risque-tout, mais je pense (et je crains) que ce ne soit cela l’hypothèse la plus juste, qu’il faudrait toutefois coupler à une adaptation de la préparation pour apprendre à courir un cran plus vite pendant longtemps… sans s’effondrer ensuite !

Pour conclure un dernier mot pour mes suiveurs, que je ne remercierai jamais assez pour leur dévouement, leur efficacité et leur bonne humeur au cours de cette journée. Et je leur redis ce que je leur ai déjà dit : quand vous aurez besoin d’un suiveur pour votre prochain 100 km, je serai là ! Rendez-vous à Steenwerck l’an prochain ?

2 Comments

  1. Jean-Michel

    Après l’allure au train, le déclin.
    Après le déclin, la résurrection…
    C’est un truc qui arrive sur 100 km, pas au Marathon. C’est trop, court le Marathon.
    On a couru, on a décliné, on a marché, et dans la tête (tout est dans la tête), on a tellement eu marre de marcher qu’on s’est remis à courir. L’allure n’est pas très rapide, mais on a très vite l’impression d’aller quand même une fois et demi à deux fois plus vite qu’en marchant, sans dépenser plus d’énergie.
    Marcher, on en voit plus la fin de la course, c’est un contrat avec le diable.
    Se remettre à courir, c’est comme le soleil qui se lève sur l’horizon et annonce un jour nouveau: l’arrivée.

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